Dans le droit français une société se définit en premier lieu par sa finalité économique. Son objectif est en effet, selon l’article 1832 du Code Civil, de “partager les bénéfices ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter”. Si on se limite à cette définition de la société, le seul rôle de l’entreprise est de créer des richesses et tous les moyens doivent être mis en œuvre pour y parvenir.
En revanche, il est indéniable que l’entreprise a un rôle social et environnemental très important à jouer dans la société qui l’entoure. Pour mieux prendre en compte cette facette de l’entreprise, la loi PACTE promulguée en France en 2019, prévoit la possibilité pour les entreprises d’intégrer une raison d’être dans leurs statuts constitutifs et même d’obtenir le statut de “société à mission”. Cette distinction permet de reconnaître officiellement les engagements d’une entreprise à avoir un impact positif sur son écosystème.
Quelles sont les démarches à suivre pour devenir société à mission et quel est l’intérêt de cette reconnaissance pour une entreprise ?
Comment devenir société à mission ?
Pour devenir société à mission, une entreprise doit tout d’abord modifier ses statuts et y inclure trois nouveaux éléments.
1. Le premier, qui est le plus important, est la raison d’être de l’entreprise. Cette raison d’être se définit dans l’article 1835 du Code Civil comme “constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité.”. Elle permet à l’entreprise de formuler sa vision, son engagement et de définir comment elle compte avoir un rôle positif dans son écosystème. Cette définition permet de souligner les responsabilités auxquelles l’entreprise juge devoir souscrire maintenant et dans le futur. Au-delà de la promesse d’un engagement à long terme de cette société pour un avenir plus soutenable, la raison d’être ancre les spécificités de l’entreprise et lui permet donc de se définir singulièrement.
2. Ensuite, l’entreprise doit définir et inscrire dans ses statuts les objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre. Ces objectifs permettent de matérialiser l’engagement que souhaite prendre la société et de se rendre compte de si cet engagement est effectif ou non.
3. Enfin, l’entreprise doit expliciter la manière dont elle compte assurer le suivi des missions en adéquation avec la raison d’être précédemment définie. Les entreprises de plus de 50 salariés sont dans l’obligation de se doter d’un comité de suivi de mission qui a pour objectif de contrôler l’adéquation entre la raison d’être et les pratiques de l’entreprise. Une fois que les statuts ont été modifiés, l’entreprise peut déclarer sa qualité de société à mission auprès de l’administration française.
La spécificité de la notion de “société à mission” est qu’elle n’est pas une déclaration de principes mais bien un engagement de la part de l’entreprise qui doit se traduire dans les pratiques de celle-ci. Pour s’assurer que cet engagement est effectif, la société à mission doit se soumettre à une vérification de la réalisation des objectifs par un Organisme Tiers Indépendant (OTI) tous les 2 ans. L’OTI dispose d’un rapport annuel formulé par l’entreprise à propos des moyens mis en œuvre pour respecter cette mission et de l’ensemble des documents qu’il juge nécessaires à son évaluation. Dans le cas où l’OTI considère que les objectifs ne sont pas atteints par la société à mission, une procédure de retrait peut être engagée auprès du tribunal de commerce.
Pourquoi devenir société à mission ?
Si la procédure pour devenir et rester société à mission est relativement contraignante, ce statut permet de certifier efficacement des engagements d’une entreprise. En effet, c’est un des seuls dispositifs qui reconnaît légalement, de manière publique et officielle l'engagement d’une entreprise. En effet, les engagements pris lors de la création du statut par l’entreprise font alors pleinement partie de l’identité de l’entreprise ce qui leur offre une légitimité très importante et précieuse pour l’image de marque de la société.
Une entreprise à mission, peut communiquer ses engagements dans l’ensemble des documents officiels à l’aide de la mention “société à mission”, ce qui est très différent des labels ou des évaluations (B Corp, Ecovadis…) qui ne peuvent être utilisés que dans le cadre de supports marketing commerciaux.
De plus, la procédure de contrôle des objectifs assure l’authenticité des engagements d’une société à mission et lui permet donc de faire valoir ses engagements sans prendre le risque de se faire accuser de greenwashing ou de socialwashing.
En dehors de l’amélioration évidente de l’image de marque qu’offre le statut d’entreprise à mission, cette réflexion autour du rôle de l’entreprise dans son écosystème, de ses responsabilités dans la société et du sens de son modèle économique et de gouvernance est une manière de fédérer l’ensemble de ses collaborateurs autour d’une vision partagée.
Pour conclure ...
La loi PACTE, en définissant le concept de société à mission, a ouvert la voie à une nouvelle manière de considérer le rôle de l’entreprise. Désormais, les entreprises ont la possibilité de définir un ensemble de bonnes pratiques et une vision partagée qui fait partie de leur ADN. Avec déjà 350 membres, nous pouvons espérer que la Communauté des entreprises à mission s’élargisse dans les années à venir et que de plus en plus d’entreprises décident de prendre en compte leur impact dans leur vision stratégique.
Sources :
Loi Pacte : redéfinir la raison d’être des entreprises (Ministère de l’économie, 2023)
Que sont les sociétés à mission ? (Ministère de l’économie, 2023)
Comment devenir une entreprise à mission (Ministère de l’économie, 2023)
Se doter d’une raison d’être et devenir une société à mission (BPI France, 2023)
Article 1835 (Code Civil, 2023)