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L’entreprise régénérative est-elle possible ?

Dernière mise à jour : il y a 14 minutes


La notion d'entreprise régénérative semble émerger dans tous les secteurs. Représente-t-elle une nouvelle forme de greenwashing ou un réel changement de paradigme dans les modèles d’affaires ?


En s’appuyant sur la théorie du donut, cet article vise à mieux comprendre les raisons de l’apparition du terme “régénératif”, en quoi elle révèle la nécessité d’un changement profond des modèles d’affaires et comment se protéger d’une utilisation abusive de ce terme.


Tout commence avec la Théorie du Donut de Kate Raworth…


Les frontières planétaires : un avertissement urgent


La Terre connaît depuis 10 000 ans des conditions de stabilité permettant la vie (telles que la présence d’eau douce, un climat clément, une biodiversité, des sols fertiles, des océans permettant la vie sous-marine…), conditions que des chercheurs ont découpées en neuf frontières planétaires (voir notre article plus détaillé).

Mais ces conditions sont en train de se dérégler : 6 des 9 frontières sont déjà dépassées ! L’équilibre terrestre est donc gravement compromis et la stabilité des conditions de vie est de plus en plus imprévisible. Certaines zones terrestres seront invivables d’ici quelques dizaines d’années (désertifiées ou sous l’eau par exemple) et partout les phénomènes naturels extrêmes gagnent en fréquence et intensité.

Cerise sur le gâteau, non seulement nous ne maintenons pas l’équilibre du système Terre, mais en plus, malgré ce dépassement écologique insoutenable, une part significative de la population humaine n’a pas la capacité de vivre dignement et de satisfaire ses besoins de base.


Le “donut” comme espace juste et sûr pour l’humanité


En s’appuyant sur ces frontières planétaires, l’économiste britannique Kate Raworth a publié en 2012 la théorie du donut, dans laquelle elle invite à repenser les activités humaines pour que l’humanité puisse réintégrer un espace sûr et juste pour vivre.

Un espace sûr signifie un espace qui ne dépasse pas les frontières planétaires et qui est donc limité dans sa croissance matérielle, puisqu’un monde fini ne peut pas accueillir une croissance infinie sans dégâts.

Un espace juste consiste à ne pas descendre sous le plancher social qui permet à tout être humain de vivre dans des conditions décentes, définies à partir des objectifs de développement durable 2015 des Nations-Unies.



Schéma des frontières planétaires (en rouge celles dépassées) et du donut (en vert)


Alors que l'économie mondiale actuelle laisse des milliards de personnes incapables de répondre à leurs besoins fondamentaux et franchit de multiples limites planétaires, le donut propose un modèle alliant les enjeux de justice sociale aux enjeux environnementaux. Il délimite un espace dans lequel une économie inclusive et résiliente peut prospérer, en garantissant à chaque personne les conditions nécessaires pour une vie digne et un développement personnel, tout en restant dans les limites de la planète.


Actuellement, aucun pays n’a d’économie respectant les limites du donut (1). Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada transgressent le plus largement les limites extérieures du donut (frontières écologiques) tandis que des pays comme le Bangladesh, le Malawi et le Sri Lanka vivent à l’intérieur du donut (seuil social décent non atteint). Le Vietnam est le pays qui affiche les moins mauvaises performances générales.


En quoi le donut concerne-t-il les entreprises ?


Le donut invite à changer de paradigme. Nos modes de pensées, nos croyances, nos postures et nos représentations jouent un rôle clé dans notre incapacité à nous inscrire dans cet espace sûr et juste. Depuis les entreprises jusqu’au système économique entier, le paradigme de la croissance infinie dans un monde fini, nous empêche de rêver autrement. Le donut nous invite à nous fixer un nouvel objectif. Au lieu de viser la croissance du PIB à tout prix, les humains et les entreprises peuvent réorienter leurs aspirations vers la zone définie par l’intérieur du donut. 


L’entreprise à visée régénérative


Le donut invite à passer d’un schéma linéaire classique (extraction, production, déchets, recyclage), à un modèle circulaire (mettre en commun, réutiliser, réparer, partager). L’ère de l’entreprise linéaire, centrée sur l’extraction des ressources et la réduction des coûts à tout prix, doit céder la place à une approche plus holistique et dynamique : l’entreprise contribuant à la régénération.


La régénération


La notion de régénération trouve son origine dans l'agriculture régénératrice, une approche qui vise à restaurer la qualité des écosystèmes, notamment celle des sols. En partant d'un état initial dégradé, ce modèle agricole aspire à atteindre un état plus favorable en termes de biodiversité, de qualité des sols et de fonctions écologiques.


Toute entreprise dépend de manière directe ou indirecte des services offerts par les écosystèmes (ressources, eau, air, terre fertile…). Mais cette dépendance s’accompagne cependant d’une pression de l’entreprise sur ces écosystèmes, comme l’illustrent les frontières planétaires évoquées ci-dessus.

Une entreprise à visée régénérative, s’engage donc dans la restauration de ces écosystèmes en créant les conditions permettant à la nature d’exprimer son potentiel. Elle consiste donc à mettre la vie et le vivant au cœur de chaque action et décision (2). L’entreprise vise un impact positif net en s'appuyant sur la capacité de renouvellement du vivant non humain à se régénérer.



Hormis les entreprises du type agricole, la majorité des entreprises n’opèrent pas d’activités directement en lien avec le vivant et ne peuvent donc pas atteindre cette qualité régénérative seules. Elles peuvent seulement y contribuer en s'inscrivant dans des écosystèmes coopératifs, d’où l’appellation “à visée régénérative” plutôt que “entreprise régénérative”. 


Aller au-delà de l’approche RSE classique


Simplement réduire nos impacts négatifs ne suffit plus : cela revient à aggraver le problème en continuant à faire la même chose, mais légèrement moins mal. L’approche classique de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), qui se contente de réduire les impacts négatifs sans changer fondamentalement les pratiques, ne peut pas stopper la détérioration de la situation. Même viser un impact neutre n'est pas adéquat : maintenir un mur déjà fragilisé sans le réparer ne le rendra pas robuste.


Alerte “greenwashing”


Le terme “régénératif” n’ayant pas de définition officielle, il commence à être utilisé à tort et à travers. Gardons bien en tête qu’il n'est pas possible d'adopter une approche régénérative tout en maintenant des modèles de production qui favorisent la fabrication et le transport de produits ne répondant à aucun besoin essentiel dans le monde entier. Un modèle axé sur la recherche perpétuelle de croissance économique, à l'encontre des limites écologiques et sociales, ne pourra jamais être à visée régénérative.

Beaucoup d’entreprises utilisent le terme “régénératif” comme synonyme de “compensation écologique”, et prétendent “régénérer” en plantant des arbres ou des haies mais leur modèle d’affaires reste linéaire et destructeur (quelques exemples : LVMH, H&M, Dassault Systèmes).

Si une entreprise n’a pas effectué de travail de fond sur l’évolution de son modèle d’affaires, elle n’a aucune raison de se prétendre à visée régénérative hormis pour faire de la publicité mensongère.

Les leviers d’actions varient selon les entreprises, cependant, le modèle à visée régénérative doit impérativement intégrer une compréhension profondément renouvelée des ressources et du vivant, capable de remettre en question la pertinence écologique de certaines de ses pratiques.


Et maintenant, comment cheminer vers un modèle d’entreprise à visée régénérative ? 


Découvrez la suite juste ici !


Ressources complémentaires :

  1. Étude menée par le Doughnut Economics Action Lab (DEAL), 2022

  2. Regeneration: Ending the Climate Crisis in One Generation, Paul Hawken, 2021


En avant vers l'Acte II !

Accélérons votre transition écologique et sociale !
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