La définition des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixés lors des Accords de Paris à la COP 21 en 2015, pose deux défis principaux vis-à-vis des investissements : la nécessité d’augmenter les stocks d’investissement vers des activités favorisant la transition écologique et celle de réorienter les flux d’investissements vers des activités moins carbonées.
Malgré des normes et référentiels existants qui guident, voire encadrent, ces investissements, ces derniers manquent encore d’harmonie et d’envergure. Face à ce constat, le Pacte Vert (“Green Deal”) pour l’Europe, présenté en 2019 et voté en 2021 pour accélérer la transition et inscrire la neutralité climatique dans les textes juridiques en Europe, a permis la création de différentes lois obligeant les institutions financières à être plus strictes dans leurs critères d'investissement.
L’essor des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) a bien été intégré par les institutions du secteur mais la multitude d’éléments à intégrer rend la tâche difficile. Cet article résume donc les réglementations qui encadrent les investissements en Europe et en France aujourd’hui en matière de critères ESG.
Quelles réglementations encadrent directement les institutions financières ?
Dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, un objectif de neutralité climatique d’ici 2050, avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55% d’ici 2030, a été fixé. Une série de mesures, détaillées ci-dessous, a donc été prise afin de respecter cet engagement.
Tout d’abord, la modification du Règlement Européen Benchmark, en 2019, a introduit l’existence d’indices de référence bas carbone. Selon l’AMF, un indice de référence est un indice utilisé pour déterminer “le montant à verser au titre d'un instrument ou d'un contrat financier, ou le prix d'un instrument financier ; il peut aussi être utilisé pour mesurer la performance d'un fonds d'investissement dans le but de répliquer le rendement de cet indice, de définir l'allocation des actifs d'un portefeuille ou de calculer les commissions de performance.” Cette modification ajoute donc au référentiel des indices de transition climatique (Climate Transition Benchmarks ou CTB) et les indices alignés avec l’Accord de Paris (Paris Aligned Benchmark ou PAB) afin de réduire l’empreinte carbone des portefeuilles d’investissement.
Ensuite, entrée en vigueur en mars 2021, la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) - ou Règlement (UE) 2019/2088 - a été un des premiers règlements européens permettant d’encadrer la “finance verte”. Ce règlement a pour objectif d’obliger les prestataires de services d’investissement (PSI) et les gestionnaires d’actifs qui fournissent des services financiers, à être transparents en matière de durabilité. Ainsi, ils doivent classer leurs actifs selon des critères de durabilité et préciser comment ils intègrent l’ESG dans leurs processus de prise de décision vis-à-vis de leurs investissements. Selon la SFRD, les institutions financières doivent classer leurs actifs entre :
les placements qui présentent un objectif d'investissement durable - placements « Article 9 » ;
les placements qui déclarent la prise en compte de critères sociaux et/ou environnementaux dits « Article 8 » ;
les placements dits « Article 6 » qui ne sont ni « Article 9 » ni « Article 8 ».
Alors que ce règlement a suscité un engouement pour les investissements durables, leur définition reste relativement large et sujette à des interprétations selon les différentes institutions financières.
Enfin, les révisions de la directive MiFID II (Markets In Financial Instruments Directive 2) entrée en application en août 2022, impose aux intermédiaires "offrant un conseil en investissement ou un service de gestion de portefeuille" de recueillir les préférences de durabilité de leurs clients avant de leur proposer un placement financier.
Des réglementations additionnelles facilitent le reporting des entreprises…
Le règlement de taxonomie “verte” - ou Règlement (UE) 2020/852, entré en vigueur en 2022, vient compléter la SFRD avec une classification des investissements. La classification de la "taxonomie” définit des critères indiquant le caractère durable d’une activité sur le plan environnemental. Son calendrier d’application s’aligne sur celui de la CSRD et s’appliquera notamment aux institutions financières et aux grandes entreprises de plus 500 salariés dès 2023, mais aussi aux PME cotées en bourse. D’un côté, les entreprises non-financières définissent leurs activités éligibles et publient la part durable de leur chiffre d’affaires - leurs dépenses d’investissement (CAPEX) et d’exploitation (OPEX) - ainsi que les critères auxquels elles répondent dans leur DPEF. De l'autre, les entreprises financières indiquent la part durable des actifs investis et finançant l’activité. Pour être éligible, l’activité de l’entreprise doit répondre à au moins un des six objectifs environnementaux ci-dessous sans agir négativement sur l’un d'entre eux et tout en respectant les droits sociaux et du travail :
Atténuation du changement climatique ;
Utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ;
Prévention et contrôle de la pollution ;
Adaptation au changement climatique ;
Transition vers une économie circulaire ;
Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Les activités éligibles peuvent être considérées à trois niveaux :
les activités durables regroupant les secteurs d’activités bas-carbone ;
les activités transitoires sont celles qui n’ont pas d’alternatives bas-carbone viables mais qui contribuent à la réduction des émissions de GES du secteur et au déploiement de solutions plus sobres ;
les activités habilitantes qui permettent à d’autres activités de contribuer de manière substantielle à un ou plusieurs des objectifs environnementaux (p. ex. la construction de batteries électriques).
En parallèle, d’autres réglementations telles que la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) votée en 2022 par la Commission Européenne ou la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD) visent à renforcer et d’harmoniser le reporting extra-financier des entreprises à l’échelle européenne. Cette dynamique permettra davantage de transparence afin de faciliter les investissements vers des activités durables. Dans une démarche similaire et plus globale, la Task Force on Climate Related Financial Disclosure (TCFD) est un groupement international créé en 2015 par le Conseil de Stabilité FInancière afin d’élaborer un cadre de reporting pour les entreprises permettant de favoriser des prises de décisions informées par les investisseurs.
Pour conclure ...
La finance durable se développe et c’est une excellente nouvelle compte tenu de la nécessité de décarboner les activités économiques pour espérer que les engagements des accords de Paris soient respectés. Cependant, le secteur financier rencontre encore certains obstacles pour rediriger les actifs financiers vers des activités plus décarbonées, notamment dues au manque d’uniformité des directives à l’échelle internationale et européenne. Les dernières réglementations européennes donnent l’espoir d’un secteur financier plus organisé et structuré pour répondre aux exigences du défi qu’incarne la transition écologique et sociale.
Sources :
Transition écologique : la France est-elle attractive aux yeux des investisseurs étrangers ? (Carenews, 2023)
Note sur l’investissement privé dans la transition écologique (BSI Economics, 2019)
Finance durable : quelle réglementation en Europe ? (L’Info Durable, 2022)
SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) : définition, explications, enjeux… (YouMatter, 2023)
La gestion d’actifs face au défi de la transition écologique (Funds Magazine, 2023)
Quelles sont les réglementations de RSE auxquelles votre entreprise est soumise ? (Entracte, 2023)